Interview Luc Lesénécal
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Interview Luc Lesénécal

Luc Lesénécal de Tricots Saint James

Luc Lesénécal est directeur général des Tricots Saint James depuis 2013 et en 2017 a été élu président de l'Association nationale des Entreprises du Patrimoine Vivant.

COMMENT LE TRAVAIL EST-IL ORGANISÉ DANS L’ATELIER SAINT JAMES EN NORMANDIE ?

Dans nos ateliers, le travail se fait en équipe et les employés sont répartis en groupes. Chaque groupe est constitué de 8 à 10 personnes et chaque personne a deux métiers différents, ce qui permet de varier les gestes. En amont du groupe, il y a les manches, le col et le corps du pull qui arrivent et à la fin, le pull doit être reconstitué. Chaque personne est responsable de la bonne constitution du pull, donc ce sont des primes collectives de qualité qui sont octroyées.

Chaque jour, les groupes travaillent sur des modèles différents, ce qui permet d’éviter la monotonie, d’être polyvalent et de favoriser l'émulation de groupe. Le travail en équipe est donc très fort, car les uns et les autres peuvent s’entraider pour fonctionner au même rythme. Il y a une certaine fierté à voir la pile de pulls à la fin de la journée et d’y avoir contribué ensemble !

QU’EST-CE QU’UN SAVOIR-FAIRE DANS LE TEXTILE ET À SAINT JAMES EN PARTICULIER ?

Le savoir-faire commence par la connaissance de la matière première : toutes les laines ne se valent pas, mais aussi par la maîtrise des techniques de tricotage. Notre savoir-faire est d’abord dans notre maîtrise du tricotage serré, qui permet de se tenir, tout en le rendant élastique. Les pulls St James sont quasiment imperméables du fait de cette technique de tricotage.

Notre particularité est aussi liée au fait qu’on tricote en forme et non en panneau, comme cela se fait souvent. Puis il y a la confection du pull à proprement parler. Un pull doit passer entre 18 mains, par 18 opérations différentes. Je dirais que 90% de la qualité de nos pulls est liée à la maîtrise des savoir-faire.

LA TRANSMISSION DES SAVOIR-FAIRE ET GESTES JOUE DONC UN RÔLE IMPORTANT DANS LA QUALITÉ DES PULLS SAINT JAMES ?

Oui, en effet. Parmi les 18 gestes nécessaires à la fabrication d’un pull, il y a par exemple le sujet, les différents points de couture, le remaillage (fixation du col du pull au corps du pull maille par maille), etc. Grâce à notre technique, le col s’ouvre lorsqu’on l’enfile et se resserre après, même après des années d’utilisation. Chaque savoir-faire nécessite 18 mois de formation chez nous.

Les savoir-faire transmis sont liés à la bonne maîtrise des machines, mais aussi à l’analyse des différentes parties car le tenue des panneaux se mesure à la main. Il ne faut pas que la matière soit trop souple, trop tendue ou trop rêche, ce qui implique d’avoir développé une bonne analyse du vêtement.

Comme il n’y avait pas d’école de formation à ces techniques spécifiques, nous avons décidé de former nos propres formateurs en interne. Chaque personne en formation est accompagnée d’un tuteur dans le cadre de sa formation au sein d’un groupe.

COMMENT LE MADE IN FRANCE POURRAIT SE DÉVELOPPER DAVANTAGE DANS LES ANNÉES À VENIR ?

Le Made in France ne pourra se développer que par l’excellence de la qualité. La France a fait le choix sociétal de rendre certains services gratuits (médecins, services publics, etc) et cela se reflète dans les charges salariales. La France ne pourra donc jamais gagner la bataille sur le prix, elle en est incapable. Pourquoi un Japonais achèterait-il un pull St James ? C’est avant tout pour sa qualité et ses savoir-faire authentiques. Exporter, c’est exporter une différence, et on ne pourra le faire que par l’excellence.

QUE METTEZ-VOUS EN PLACE POUR FAVORISER UNE BONNE QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL ?

Nous voulons que nos salariés soient heureux et avons mis l’humain au cœur de nos ateliers, en accordant une place importante à l’ergonomie de l’environnement de travail. Chaque groupe amène sa musique pour l’ensemble de l’atelier. Il y a une ambiance de travail, mais une ambiance conviviale. D’ailleurs, quand des personnes de l’extérieur viennent visiter nos ateliers, ils voient que les salariés ont l’air heureux.

Nous avons également adapté notre organisation au profil majoritaire de l’entreprise. 75% de nos salariés étant des femmes avec une vie de famille, nous avons choisi un rythme de travail de 40h/ semaine en moyenne, ce qui permet de leur octroyer tous les ponts de l’année, ainsi que la moitié de toutes les vacances scolaires.