La Belle Gazette : des articles et interviews pour s'informer


SUR LES ROUTES DU CACHEMIRE

avec Victor Chevrillon

Portrait VC

Victor Chevrillon a publié Les Routes du Cachemire au terme d’un périple complet à travers la Mongolie, la Chine et l'Ecosse, où il est parti à la découverte de la fabrication du cachemire et de ses impacts écologiques et sociaux.


Qu’est-ce que le cachemire ?

Le cachemire est une petite fibre, comme un duvet secondaire, qui se développe en hiver en plus des poils permanents d’une certaine espèce de chèvres pour leur permettre de résister à des températures qui peuvent descendre jusqu’à -40°C. Ce petit duvet est récupéré au printemps quand il tombe naturellement.


Quelle est la belle histoire d’un pull en cachemire ?

Tout commence dans les steppes mongoles et en Mongolie intérieure qui produit 90% de la matière première. Pour moitié, les chèvres sont élevées par des nomades qui pérégrinent au fil de la transhumance. Ces derniers ont d’ailleurs un rapport très fort avec leurs troupeaux. L’autre moitié des chèvres proviennent de Chine où les éleveurs, autrefois nomades, se sont sédentarisés. La matière est ensuite transformée en Chine, dans des pays en voie de développement tels que le Cambodge et le Vietnam ou bien en Italie et en Ecosse qui demeurent de grands centres de production.


Quels sont les enjeux écologiques et sociaux du cachemire aujourd’hui ?

Pendant 80 ans (aussi loin que les chiffres remontent) le cheptel total d’animaux en Mongolie est resté stable (autour de 20 millions d’animaux); aujourd’hui on compte plus de 70 millions d’animaux. Cette augmentation s’est faite ces dernières années en parallèle de l’explosion de la demande de cachemire, ce qui a provoqué un surpâturage et une désertification des terres. C’est un problème écologique important pour la région mais aussi pour la santé les chèvres qui souffrent de sous-nutrition et meurent gelées en hiver.

Par ailleurs, il existe également un enjeu économique pour les populations mongoles : l’ingérence de la Chine sur les achats de fibres cachemire empêche l’émergence d’une industrie de la transformation de se créer en Mongolie ce qui a pour conséquence de limiter les revenus des petits éleveurs.


Comment décrirais-tu le processus d’un cachemire vertueux ?

La priorité est de résoudre le problème principal, à savoir l’augmentation du nombre de chèvres. Pour que les éleveurs conservent leur niveau de vie, il faut essayer de réduire la quantité d’animaux élevés et augmenter la qualité du cachemire produit. Il faut également s’assurer du respect des normes de la chaîne de production, notamment dans le processus de transformation puisqu’il peut être très polluant (via les labels GOTS ou Oeko-Tex par exemple). Ceci demeure cependant encore complexe puisqu’il n’y pas de label qui fasse autorité pour l'ensemble de la production du cachemire.

Il ne faut pas perdre de vue que le cachemire est un produit rare, donc un produit de luxe. Pour un pull, la seule fibre cachemire non transformée, qui nécessite l’élevage de 2 à 3 chèvres, coûte environ une trentaine d’euros. Dans la majorité des cas, les marques respectant les réglementations et supportant les coûts associés sont des marques haut de gamme. La solution à terme est de conserver au cachemire sa nature de produit de luxe. Si cela peut être mal perçu d’aller à l’encontre de la démocratisation d’un produit, c’est, à mon sens, le seul moyen aujourd'hui de respecter tous les maillons de la chaîne de production.


Qu’est-ce qui t’a motivé pour ce voyage et l’écriture du livre?

J’avais la volonté de partir à l’aventure, d’aller explorer et de mener ce projet au service d’un engagement. Je me suis rendu compte que je ne connaissais absolument rien sur le cachemire alors que c’est un produit qui a explosé ces dernières années. La soif d’écrire m’a mené en Mongolie, en Chine et dans bien d’autres endroits. La partie la plus fascinante de mon expérience a été de vivre avec les nomades dans le désert de Gobi, dans des yourtes et aux plus près des animaux. Cela change radicalement notre perception puisque c’est un mode de vie très différent que celui que l’on peut mener en Occident.

Paysage VC Paysage VC Paysage VC